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Témoignages.

 

 

1. Télépathe(s) malgrès lui (eux).

 

Je me présente : je suis Antonin Gnamann. Je suis un ancien psychiatre, psychologue et psychanalyste allemand -mais bilingue français, je vous l’assure !- exerçant aussi, par passion, dans le domaine du paranormal et du surnaturel. Beaucoup de personnes m’ayant rencontré m’ont, par ailleurs, vu comme un médium !

C’est en écrivant ce petit journal de bord que je vous expliquerai comment j’ai pu retrouver la trace d’un phénomène, pour beaucoup, étrange et impossible, mais pourtant existant.

Je vous passerai la longue histoire du comment me suis-je procuré cet hebdomadaire, mais sur le petit journal municipal québécois « Message Direct », j’ai lu -nous étions le 6 octobre 1998 et le papier datait d’au moins deux mois- une nouvelle portant le titre :

« Etienne a lu dans mes pensées ! »

Il s’agissait du journal du village Veuron, dans lequel je me suis, en avion , précipité. Mon but était simple : trouver Etienne et, grâce à mes techniques de psychanalyse avancée, cerner son esprit, et ainsi, dénouer le mystère de la télépathie. En arrivant, un problème s’était tout de suite confronté à mon étude et il s’agissait en effet du parler des habitants. Je n’avais pas de problème avec le français mais le québécois, vis-à-vis de mes interviews et de prise d’informations, m’empêchait la totale compréhension. C’est pourquoi je me suis offert un enregistreur afin de réécouter plusieurs fois ce que le village m’a partagé, jusqu’à la saisi complète du message. Je soupçonne par ailleurs les trois hommes, habillés de costumes noirs, que j’ai souvent croisés, de me l’avoir volé.

Mon parcourt a donc débuté à Veuron. J’ai commencé à passer mes journées dans un des lieux où l’on peut tout savoir sur un petit hameau : le bar populaire. Je me rappelle de son nom par coeur : le Rempart. Cependant, à chaque fois que je tendais discrètement l’enregistreur -je rappelle que je ne saisissais pas la totalité des conversations québécoises- le mot « Etienne » ne n’était prononcé que par chuchotement, ainsi que les « sans-sourire » . Manifestement, la populace n’en parlait pas publiquement, c’était peut-être un sujet tabou. Cela mit du piment à mon enquête officieuse mais je devais trouver, dans le village ou dans les alentours, une personne qui pouvait m’en parler avec détails et librement.

Vous trouverez cela assez cliché mais, avec l’habitude, j’ai décidé d’entamer cette recherche en me concentrant sur les maisons reculées et isolées -avec tout de même un petit sentier menant au centre-ville- ornées de préférence de quelques pots de fleurs sur le balcon et habitées d’une veuve âgée et paisible. Ce que je trouvai. Cette demeure était belle et très bien entretenue ! La pierre des murs était blanche comme de la craie qui reflétait le soleil et l’ardoise, bien que noire, éblouissait. Les bancs de fleurs adjacents aux frontière de la propriété -il n’y avait pas de grillage- pétaient les yeux de leur couleur, pour ainsi dire.

J’ai trouvé Hedwige, qui veut garder l’anonymat, émigrée française venue au Quebec pour vivre avec son mari, mort ou enlevé il y avait dix ans. Je l’ai rencontrée chez elle quand je me promenais à tout hasard à Veuron, pour prendre l’air car il faisait beau. C’est pourquoi Hedwige lisait sur sa terrasse, sous un parasol. Elle m’a directement crié -je n’étais encore qu’un inconnu pour elle- quelque chose comme « Monsieur ! Avec le casque et le fusil ! Venez mangez le gâteau avec moi ! ». Et je vins à elle, sans casque ni fusil. Elle délirait. 

Cependant, après l’avoir rejointe et mangé le gâteau, j’ai constaté qu’Hedwige était maniaco-dépressive -en langage plus courant, bipolaire- et que pendant la période dans laquelle je l’ai connue, elle avait son temps maniaque, soit joyeux, d’où la joie de vivre et de m’inviter déguster la tarte. De plus, en psychanalyse rapide, j’ai su que la perte de son mari avait ravivé sa vision du troisième Reich arrivant en France, d’où l’allusion au casque et au fusil de soldat. 

Malgrès ce diagnostique -ou plutôt grâce à son état euphorique-, j’ai entamé mon questionnaire sur Etienne, sans avoir besoin de mon enregistreur. J’ai compris qu’elle serait heureuse de m’en parler, quelle chance !

Voici son interview, ou ce qui y ressemble car ce n’est seulement la reconstitution :

- Hedwige, s’il-vous-plaît, parlez moi d’Etienne.

- Quel Etienne ? Parce que j’en connais plusieurs ! Il y a l’Etienne demeurant au 9 qui a vu la vierge. Bon je ne crois pas à ...

- L’Etienne qui lit dans les pensées des gens s’il-vous plaît.

- Oh c’t’enfant ! Il est pas du coin ! Mais il est arrivé en 97. Vous savez, tout se sait ici. On est pas beaucoup mais on discute et on se rencontre ! Enfin, au début il avait .. oh ... la vingtaine, et rien de spécial. Ce que j’aimais chez lui, c’était son visage. Beau ! Comme Michel. Au début, il était pas trop bavard. Triste on aurait dit. Tout seul surtout. Oh le pauvre ! Je le plains ! Mais il s’est fait héberger par la paroisse. 

Est-ce que je pourrais visiter la paroisse ?

Oh oui vous pouvez ! Mais depuis que le curé est parti, la même semaine qu’Etienne d’ailleurs, vous ne pourrez pas avoir de visite guidée ! Parce que c’est la seule activité touristique du village vous savez et ...

- Mais pourquoi dit-on qu’Etienne lit dans les pensées ?

- C’est un magicien ! Je crois pas à la magie mais il sait tout ! Dieu lui a offert ce don ! C’est surnaturel je vous dis. Mais il était gentil ... et beau ! Pour pouvoir s’acheter une petite propriété, il a commencé à organiser des petits numéros au Rempart. Mais personne venait s’intéresser à lui. Ah si ! Les enfant ! Mais ce n’était pas un public sérieux. Pour environ quinze minutes de magie, il gagnait ce que les gens lui donnait, donc à peu près un ou deux sous. Oh, ça lui faisait sa journée. Et puis après, c’est le curé qui est allé voir. Moi à ct’époque j’allais pas bien. Je m’étais même préparée ma corde mais c’est quand j’y suis moi même allée, en avril 98, au Rempart. Et puis là, avec son regard fier, il m’a dit 

« Michel est au ciel et je suis sûr qu’il vous aime, Madame -anonyme. Mais je ne suis pas Michel, même si je lui ressemble, sans doute. Et vos cauchemars sur votre frère dans la Wehrmacht sont faux. Il ne s’agit que de votre crainte car votre grand frère s’y est fait tuer. Mais ne confondez pas Hedwige. Restez assise, je dirai au barman de vous rapporter votre Schwepps Agrume. Ce n’est pas grave si vous n’avez pas pris d’argent, je payerai pour vous et cette séance est gratuite. Heureux de vous avoir amusée ! ».

Cela, il le faisait pour toutes les personnes qu’il croisait. Tout le village le connaissait. Etienne le télépathe, comme les jeunes disaient. Il s’était même acheté une maison, à côté de la paroisse. Il était très aimé parce qu’il donnait des réponses aux questions des gens. Il y a même eu une rubrique sur lui dans le Message Direct ! Vous savez, le journal ! J’ai toujours cru que Jérôme mon frère était nazi, par exemple. Il nous aidait ! Avec son don, il était bienveillant !

- Hedwige ... pourquoi est-ce que vous parlez au passé ?

Et bien, il est parti ! Enfin, moi, personnellement, j’ai vu trois hommes du FBI ou je ne sais pas comment vous appelez ça, là-bas en ville ils les appellent les sans-sourire parce qu’apparemment, ils ne sourissent jamais. Mais je les ai vus que de loin et ils parlaient allemand. J’ai même entendu, quand ils criaient, Heil Hitler. Je ne les aime pas. Non, pas du tout. Personne ne les aime ceux-là et ils ont complètement changé Veuron. Tout le monde parle tout bas. On dirait qu’ils ont pris Veuron et ses habitants !

- Donc Etienne n’est plus ici ?

- Bah lui, il est parti avec les sans-sourire et le curé. Sa maison a été brûlée aussi. Mouais, des braves gars ceux-là ...

- Et bien merci pour tout ce que vous m’avez dit Hedwige. »

Je terminai ce témoignage avec cette conclusion : ma piste s’arrête ici. Je crois Hedwige de tout mon coeur car le mythe de la télépathie a bien dû être fondé sur quelque chose. Et je crois aussi à l’existence des sans-sourire. En effet, trois hommes en noir s’étaient postés devant l’hôtel de Veuron où j’avais élu provisoirement domicile. Je ne retrouve plus mon enregistreur.

Le surnaturel existe, j’en suis certain. La télépathie aussi, l’histoire d’Etienne le prouve, et il me paraît impossible que ce ne soit que du ragot, d’après mes analyses -les habitants sont vraiment changés, sinon ils n’en parleraient pas de manière taboue; le récit d’Hedwige est la vérité, du moins cela sonne comme et je la crois, car les personnes en période maniaque aime partager ce qu’ils ont vécu et sa paranoïa n’affecte pas tous ses souvenirs; j’ai vu les sans-sourire. Mais ma quête fut celle d’un confrère. Je cherchais quelqu’un comme moi, je cherchais Etienne. S’il a été pris par cette entreprise, je risque, télépathe aussi, de l’être de même bient 

 

Extrait du carnet du psychologue, psychiatre et psychanalyste Antonin Gnamann.

© 2014 par Lucas Bros

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